Opinion | Un historien français évoque les risques et les opportunités des sanctions contre la Russie pour les pays de la région

  13 Mars 2022    Lu: 975
Opinion | Un historien français évoque les risques et les opportunités des sanctions contre la Russie pour les pays de la région

Les sanctions imposées contre la Russie affectent déjà les pays voisins, mais de manière très différente. La Biélorussie est déjà concernée par des sanctions similaires à celles déjà décidées contre la Russie — et c’est une des raisons pour lesquelles M. Loukachenko a renoncé, pour l’instant du moins, à faire participer l’armée biélorusse à l’invasion de l’Ukraine.

Les pays baltes — que les bolcheviques avaient échoué à reconquérir pendant la guerre civile de 1917-1922 — sont en pointe dans l’imposition de sanctions, comme ils étaient en pointe pour sortir de l’URSS. Alors qu’il avait ménagé bien davantage la Russie depuis son indépendance, le Kazakhstan a non seulement refusé de participer à l’invasion russe, mais il propose maintenant de faire passer son gaz, non plus par le territoire de la Russie, mais par celui de l’Azerbaïdjan — reprenant, au fond, la stratégie azerbaïdjanaise. L’Azerbaïdjan, justement, tire profit de sa politique de prudence. Le gouvernement azerbaïdjanais a réaffirmé son soutien à l’intégrité territoriale de l’Ukraine, lui a envoyé une aide médicale et a ordonné aux stations-services de SOCAR de fournir gratuitement en essence les ambulances ukrainiennes.

Tout récemment, Bakou, qui a pu constater, comme tout le monde, l’extrême médiocrité de l’armée russe, après avoir constaté, mieux que personne, celle du matériel militaire russe (en 2020), a élevé le ton face à Moscou, à propos de Khankedi et ses environs. Les pays occidentaux, qui de toute façon vont avoir encore plus besoin du gaz azerbaïdjanais, ne peuvent qu’apprécier.

Quant à la Russie, au point où elle en est, elle ne peut pas faire grand-chose en réaction à cette ferme déclaration azerbaïdjanaise. Pendant ce temps, la valeur du manat augmente sur les marchés internationaux.

L’Arménie a décidé d’accueillir des entreprises russes cherchant à échapper aux sanctions, mais M. Pachinyan, quelles qu’aient été ses erreurs dans le passé, sait pertinemment que cela représente tout au plus un bénéfice à court terme, et que cette implantation risque même de provoquer des sanctions contre l’Arménie. D’où sa déclaration récente sur la signature d’un traité de paix avec l'Azerbaïdjan. C’est l’intérêt de l’Arménie : l’affaiblissement économique et militaire de la Russie ne rend que plus nécessaire la paix avec ses voisins turciques.

Le risque le plus évident — mis à part celui d’un effondrement de l’économie biélorusse — c’est une baisse des exportations vers la Russie, faute d’acheteurs, et une baisse du nombre de touristes russes vers ces mêmes pays, encore que la suspension des liaisons aériennes vers les membres de l’UE pourrait concentrer ceux qui ont encore les moyens vers l’Azerbaïdjan et la Turquie.

Les opportunités, au-delà du seul cas du gaz kazakh, découlent avant tout de la possibilité qu’ont d’ores et déjà les pays voisins de décider de façon plus indépendante de leurs politiques économiques, de l’orientation de leurs exportations, de leurs importations et de leurs investissements.

Une Russie affaiblie dans tous les domaines (militaire, diplomatique, économique, etc.) ne peut plus imposer à ses voisins des choix qui ne seraient pas favorables à leurs propres intérêts. Enfin, dans le cas des pays baltes, il y a l’opportunité de profiter du renforcement déjà ébauché de l’Union européenne, ainsi que d’une présence américaine accrue.

Par l’historien français, chercheur au Centre d'études eurasiennes (AVIM), Maxime Gauin


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